(Cour de Cassation, 3ème chambre civile, 16 février 2022, n°20-15.164.)
L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 16 février 2022 aurait-il mis fin au débat ? La volonté semble en tout cas affichée et la décision a été publiée au Bulletin de la Cour de cassation. Usant d’ailleurs de la faculté qui lui est offerte par l’article 1015-1 du Code de procédure civile, la cour a demandé l’avis de la chambre commerciale :
« La chambre saisie d’un pourvoi peut solliciter l’avis d’une autre chambre saisie sur un point de droit qui relève de la compétence de celle-ci. »
et c’est au résultat de cet avis que l’arrêt a été prononcé et publié. Donc il semblerait bien que ce point soit définitivement établi : l’usufruitier n’est pas associé.
Etabli oui mais pour autant, à la question de savoir si un usufruitier peut ou non utiliser les droits attachés à la qualité d’associé pour convoquer une assemblée des associés, la réponse reste, à notre avis, ouverte et dépend des stipulations des statuts.
Dans l’espèce, les statuts de la Société civile concernée indiquait :
« Droits attachés aux parts – chaque part donne droit dans la répartition des bénéficies ou des pertes, du boni ou du mali de liquidation, à une fraction proportionnelle au nombre de parts existantes. Elle donne également droit de participer aux assemblées générales des associés et d’y voter.
Usufruit – Si une part sociale est grevée d’usufruit, le droit de vote appartient à l’usufruitier pour toutes les décisions prises lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires, le nu-propriétaire en sa qualité d’associé étant convoqué aux assemblées générales, avec voix consultative. »
La cour poursuit en remarquant que :
« Ainsi, le nu-propriétaire a la qualité d’associé et en l’espèce aucune disposition ni des statuts ni de la loi ne confère à l’usufruitier la qualité d’associé. »
La cour relève :
« Et aux termes des statuts de la SCI et en l’espèce l’article 14 intitulé « décisions collectives », seul l’associé a la faculté de demander à la gérante de provoquer la délibération des associés ; (…)
Convocation : sauf lorsque tous les associés sont gérants, les assemblées sont convoquées par la gérance ou sur la demande de plusieurs associés représentant la moitié au moins de toutes les parts sociales » (…) »
Puis reprenant quasi in extenso les termes de l’avis requis de la Chambre commerciale :
« l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire »
Tout n’est pas perdu pour autant puisqu’elle indique que l’usufruitier peut provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
C’est ce qu’elle sous-entend en retenant que les époux « n’ayant pas la qualité d’associés et n’ayant pas soutenu que la question à soumettre à l’assemblée générale avait une incidence sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l’usufruit, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que leur demande de désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable ».
L’usufruitier, sans être associé, se voit quand même reconnu le droit de « provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance » sous condition qu’il puisse démontrer cette incidence directe.
Mais bien plus, elle rappelle l’opportunité ouverte aux professionnels de construire des aménagements statutaires à propos permettant à l’usufruitier de disposer de certaines prérogatives de l’associé. Même si cette reconnaissance peut paraître indirecte, elle n’en est pas moins certaine : les dispositions des statuts pourraient conférer à l’usufruitier la qualité d’associé (voir la citation plus haut) : « aucune disposition ni des statuts ni de la loi ne confère à l’usufruitier la qualité d’associé. »