La Cour cassation souffle le chaud et le froid sur le principe de liberté des dispositions des statuts de SAS alors que beaucoup sont en droit de penser (et de dire) que cette liberté est soumise à un climat plutôt équatorial.
Rien ne laisse envisager que cette liberté statutaire puisse être « conditionnelle » puisque la loi, elle-même, prévoit que l’organisation et le fonctionnement de la SAS dépendent essentiellement du contenu des statuts. Témoins en sont les articles :
- L. 227-5 : « les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée »,
- L. 227-9, 1er al. « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés, dans les formes et conditions qu’ils prévoient »,
- L. 227-13 et s. contiennent à divers degrés le rappel que « les statuts peuvent prévoir… ».
Allant jusqu’à prévoir à L.227-15 que « Toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle », disposition par laquelle la loi ne laisse aucun choix que de frapper de nullité l’acte contraire aux dispositions libres des statuts.
Certains auteurs ( Germain M., Périn P.-L., SAS – La société par actions simplifiée, juill. 2016, Lextenso, 9782306000687, 12/07/2016) ont pu, sans exagération, écrire que « le rédacteur des statuts d’une SAS est invité à écrire la règle du jeu à partir d’une page blanche ».
Dans ce contexte d’invitation à la liberté contractuelle entre associés, la Cour de cassation pourrait avoir montré du doigt la fin de la récréation par une décision du 19 mars 2022 (Cass. Com., 19 janv. 2022, n° 19-12.696, B), puis la rouvrir par une seconde décision du 09 mars 2022 (Cass. Com., 9 mars 2022, n° 19-25.795, B).
Dans la première affaire, il s’agissait du sort d’une décision prise en assemblée extraordinaire en faveur de l’augmenter le capital social d’une SAS, par émission de nouvelles actions et corrélativement suppression du droit préférentiel de souscription des associés en vue de réserver la souscription de l’augmentation de capital à la société président la société. Rien d’anormal en soi sauf les dispositions des statuts qui, dans leur article 17, prévoyaient :
« les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré. »
La cour d’appel avait considéré que cette décision, ayant recueilli le tiers des droits de vote des associés présents ou représentés, avait été adoptée en conformité avec la majorité édictée par les statuts.
La haute juridiction va casser cet arrêt en énonçant que la liberté des statuts d’une SAS « trouve sa limite dans la nécessité d’instituer une règle d’adoption des résolutions soumises à l’examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires » (sic) et d’ajouter, « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés. » .
Certes la clause des statuts pouvait paraître surprenante, mais elle n’en constituait pas moins la règle choisie librement par les parties comme la loi le leur permettait. Des droits de vote multiples en faveur du groupe de la société présidente eussent été peut être plus efficaces.
Dans la seconde affaire, il s’agissait de la révocation d’un directeur général de ses fonctions. Ce dirigeant faisait valoir que la révocation était intervenue sans juste motif et dans conditions brutales et vexatoires. Les statuts de la SAS ne subordonnaient pas la révocation du dirigeant à l’existence de telles conditions.
La cour confirmait en faisant ressortir que la circonstance de l’inexistence de faute ne signifiait pas que la révocation soit intervenue dans des conditions brutales et vexatoires. Dans son recours en cassation, le directeur général en question maintenait « qu’en l’absence de mention statutaire dispensant la société de justifier d’un motif pour procéder à la révocation du dirigeant, la révocation ne peut intervenir que pour un juste motif. »
La Cour n’a pas suivi cette voie et a rejeté le pourvoi. Elle a confirmé la position de la cour d’appel puisque les dispositions des statuts (Art. 18) n’exigeaient pas de conditions. Ces dispositions stipulaient juste que les dirigeants autres que le Président « sont révocables à tout moment par l’associé unique ou, en cas de pluralité d’associés, par l’assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président ».